Dirigeants, Managers, repérez ce qui inspire vos collaborateurs, et aidez-les à trouver du sens au travail
Temps de lecture : 4 à 5 mn
Le sens, pourquoi est-ce important ?
Viktor Frankl a écrit : « Ce dont un être humain a besoin, ce n’est pas de vivre sans tension, mais bien de tendre vers un but valable, de réaliser une mission librement choisie. Il a besoin, non de se libérer de sa tension, mais plutôt de se sentir appelé à accomplir quelque chose. »
Professeur de neurologie et psychiatrie à la faculté de médecine de l’université de Vienne, Viktor Frankl (1905 – 1995) psychiatre, fonda la Troisième Ecole Viennoise, et créa la logothérapie, ou thérapie par le sens de la vie (logos), qu’il enseigna dans de nombreuses universités (Harvard, Stanford, Pittsburg, San Diego). Rescapé juif des camps nazis, et à la suite de cette expérience, il considère qu’au-delà de la pulsion sexuelle (Freud) et de la volonté de puissance (Adler), la quête de l’homme est avant tout celle du sens.
Même en dehors de circonstances dramatiques telles que Frankl les a connues, et que tant d’autres traversent aujourd’hui, nous sommes tous susceptibles, au quotidien, de rencontrer cet impérieux besoin d’accomplissement de soi *
Et pour que cette rencontre tienne ses promesses et soit fructueuse, nous choisissons les lieux où peut se jouer cet enjeu si important qui est de réussir sa vie : la famille, les amis, la société à l’échelon le plus local (association, communauté …) ou le plus vaste (politique nationale, cause humanitaire …), ou bien encore …au travail ! Et oui, que faisons-nous tous, ensemble ou chacun de notre côté, au bureau, chez soi, dans l’atelier, en boutique, en déplacement …si ce n’est, en plus de gagner notre vie, de tenter d’être véritablement qui nous sommes, qui nous souhaitons devenir ? De vivre une vie qui fait, qui a, du sens. Une vie qui nous inspire.
Et l’inspiration là-dedans ?
Je dirais que l’inspiration est bien cette volonté d’accomplissement de soi ; l’inspiration, notre inspiration, est bien ce qui va constamment nous pousser à aller plus loin, à faire des choix, ce qui une fois accompli, nous permettra de dire, au moment de quitter ce monde que, oui, nous avons finalement réussi notre vie, que notre passage a eu du sens.
C’est pourquoi, inspiration et sens sont finalement deux notions très proches, souvent synonymes, en vérité.
Et il est vrai que quand une organisation se transforme en pur système, que l’inspiration de chacun n’y a plus sa place, alors l’expérience vécue par ses membres l’est souvent comme étant dénuée de sens, voire « déshumanisante ». L’expérience peut même être de se sentir devenir comme « étranger à soi-même », ou bien de devenir quelqu’un qu’on ne souhaite pas être, ou pas vraiment.
Il est de la responsabilité des dirigeants, et des managers qui les secondent, de mettre en place et de piloter des systèmes de gestion et de production efficaces et rentables ; pour qu’ils le demeurent, il est impératif que chacun(e) puisse, seul(e) et en groupe, y puiser son inspiration, et puisse en retour, rendre ce même système inspirant.
Les organisations flexibles, plates, agiles, qui se développent aujourd’hui, devraient répondre à ce double impératif car, si les conditions sont réunies, elles permettent un meilleur engagement subjectif au travail, et un déploiement bien meilleur de l’intelligence collective.
Cependant, la tâche des dirigeants et des managers sera de toujours veiller à ce que ces conditions soient en place ; ce n’est pas évident : qui n’a pas vu un système se mettre à ne fonctionner que pour lui-même ? qui n’a pas vu la logique gestionnaire devenir sa propre finalité ?
L’objectif ici est de permettre à chacun d’être soi-même au travail, au cœur d’un système, souvent complexe et paradoxal. C’est ce qui rend le système pérenne (car évolutif, vivant).
Chaque manager devra donc repérer ce qui inspire ses collaborateurs, et ce qui constitue leurs identités professionnelles, individuelles, et bien-sûr collectives !
L’identité professionnelle, qu’est-ce que c’est ?
Le travail, ou l’activité professionnelle, rémunérée ou non, joue une part très active dans notre construction identitaire. L’identité professionnelle est un élément majeur de ce qui fait sens au travail.
En effet, elle n’est jamais figée, et se développe tout au long de notre vie. Le travail, en nous permettant de toucher nos limites, de les dépasser, lorsque nous créons, résolvons un problème, interagissons avec autrui ou avec un système …nous permet de nous développer, et, si possible, de toucher notre idéal. C’est même sa fonction première de santé (cf. mon article « Bonheur ou Santé au travail ? »). Le travail peut nous permettre de concrétiser notre inspiration, ou du moins une part de celle-ci.
Aussi est-il très utile pour chaque manager d’être pleinement conscient(e) de cette dynamique chez soi, et chez ses collaborateurs, et de prendre également conscience que chacun ne nourrit pas forcément les mêmes catégories de besoins et les mêmes inspirations en travaillant.
En fonction de son histoire de vie, privée d’abord, puis professionnelle, de ses réussites, de ses échecs, de ses relations, chacun d’entre nous développe sa propre identité professionnelle. Chacun joue ses propres « en-jeux » sur la scène du travail.
Or, pour un poste donné, les représentations sont différentes selon les points de vue et les enjeux individuels. Les définitions varient de ce qu’est « le beau travail » (un travail de « professionnel »), et de ce qu’est le « bon travail » (le travail qui est utile). Le manager a sa propre appréciation de ce qu’il attend de son collaborateur, de la contribution que celui-ci doit produire, des bénéfices supposés de l’organisation mise en place. Mais comment être sûr que cette représentation est cohérente avec celle de son collaborateur ?
Partager les représentations et faire sens au travail
Selon mon expérience, peu de managers, lors des entretiens annuels notamment, lorsqu’il s’agit de « donner » des objectifs, s’enquièrent auprès de leurs collaborateurs des représentations qu’ils ont de leur travail. Qu’en attendent-ils (elles) ? Qu’est-ce que c’est que d’être un « bon » professionnel ? Quelle contribution s’imaginent-ils devoir délivrer ? est-ce que les critères de mesure de leur performance correspondent bien à ce pourquoi (et ce pour quoi ) ils pensent être utiles ? Quelles sont leurs idées sur les collaborations qu’ils aimeraient créer ? De quelle aide ont-ils besoin ? Quelle aide pensent-ils pouvoir apporter ? quelle vision ont-ils pour le développement du business ? etc.
Bref, très peu de managers cherchent à connaître l’identité professionnelle de leurs collaborateurs (trices).
Mais pourquoi est-il si difficile de partager ces représentations ?
Quelques réponses à cela ; la première : le manager peut craindre la confrontation des représentations, et le malaise qui serait créé si la différence de points de vue était mise au jour. Comment « gérer » cela ?
La seconde : quelles questions poser ? comment faire émerger les réponses (tout le monde n’a pas forcément des idées très précises sur ces sujets, surtout si ces questions n’ont jamais été posées, et au contraire soigneusement tues …), comment approfondir ces réponses pour s’assurer de bien les comprendre ? comment confronter sa représentation et celle(s) de l’autre sans entrer dans un désaccord conflictuel ? comment ne pas tomber dans une logique défensive si le miroir tendu par l’interlocuteur reflète une image déplaisante ? comment ne pas décevoir ?
La troisième : bien souvent, ce dialogue doit être collectif. Et il est autrement plus complexe que le face-à-face, ou l’idée qu’un « leader » charismatique, en expliquant ce que doit être le sens va « inspirer » chacun, chacune, offrir sur un plateau son inspiration à chaque salarié. Or, nous le savons, cette façon de procéder n’aura qu’un impact limité….
En bref, comment « faire avec » l’identité de l’autre ….comment rencontrer l’altérité, et rendre les désaccords féconds … comment faire sens au travail pour tous, et pour chacun ?
Dirigeants, managers, l’intervention de coaching, individuel, ou collectif, peut vous aider.
Par son questionnement particulier, et les processus qu’il/elle maîtrise, un(e) coach pourra faciliter l’émergence des représentations, permettre les prises de conscience essentielles pour donner de la cohérence entre les identités professionnelles et le travail accompli tous ensemble. Une intervention de ce type s’avère très souvent décisive pour permettre l’émergence d’une « équipe performante » (V. Lenhardt)
Mes articles passés, et à venir, sur La Carte du Sens au Travail™, vous donneront en complément les pistes clés pour faciliter l’émergence de l’inspiration chez vos collaborateurs, et pour ouvrir avec eux ce dialogue indispensable.
*ce besoin a encore progressé dans notre sociétés avec le développement quasi épidémique des syndromes dépressifs qui ont supplanté les névroses ; la dépression est due au sentiment de vide, d’absence de sens, voir à ce sujet les ouvrages d’Alain Ehrenberg